Vaste rigolade ou sinistre ignorance ?
Chaque fois que je lis ou entends parler de l'auteure d'un livre, d'une écrivaine ou encore de miss Xxx ou de miss Yyy chercheure,
j'ai mal à ma langue.
Expliquons-nous.
Certains noms de métiers ou d'activités sont du genre masculin : porion, écrivain, proconsul, sacristain, etc., d'autres sont
féminins : estafette, sentinelle, ordonnance, etc., certains admettent deux formes : docteur/doctoresse,
boulanger/boulangère, ogre/ogresse, bétonneur/bétonneuse, etc., et d'autres enfin sont épicènes : un/une chimiste,
arpète, pédiatre, rebelle, psalmiste, etc.
Par ailleurs, le e final n'a jamais été une caractéristique du genre féminin : il est des mots masculins adoptant cette terminaison : squelette,
pontife, polichinelle, gazomètre, périnée, sigisbée, archiprêtre, légionnaire, etc. tandis que des mots féminins y
échappent : peur, odeur, pudeur, impudeur, déraison, trahison, saleté, acmé, etc.
Alors que l'on m'explique en quoi le fait d'imposer la graphie sentinel si la personne dans la guérite est dotée d'une robuste paire de
roubignoles ferait avancer la cause féministe.
Mieux, ou plutôt pire, observons que si je déclare « Marguerite Yourcenar, née Crayencour, est la meilleure écrivaine de sa génération »,
je limite singulièrement le référentiel et l'on n'est même pas certain qu'elle arrive à la cheville de Paul Guth ou de Guy des Cars, mais si j'affirme
« Marguerite Yourcenar, née Crayencour, est l'un des meilleurs écrivains de son temps », on voit tout de suite que c'est du sérieux.
Rappelons par ailleurs que la dernière ministre des Armées tenait absolument à se faire appeler « Madame le Ministre », tout comme
l'actuelle secrétaire dite perpétuelle de l'Académie exige de se faire désigner comme « Madame le Secrétaire perpétuel de l'Académie
française ».
Alors par pitié, oublions ces enfantillages politiquement corrects et philologiquement grotesques et dérisoires venus comme à l'accoutumée d'Amérique
et du Canada, et continuons à appeler un chat un chat et un écrivain un écrivain.
Enfin et en guise de remarque connexe, je me permettrai de citer le mot lu dans le dos d'une pétroleuse lors de la manif du premier mai « Je suis pas
mal baisée, je suis mal payée ! »
(Jean-Pierre Cabannes, juin 2011)